Quelles solutions pour les relations contractuelles en cours impactées par la pandémie ?
1/ La pandémie du coronavirus constitue-t-elle un cas de force majeure permettant de justifier une inexécution contractuelle ou une exécution tardive ?
Une distinction doit être opérée selon les cas. Soit les relations contractuelles sont encadrées par un contrat auquel cas il convient alors de se référer aux stipulations de ce contrat et à l’éventuelle clause qu’il contient relative à la force majeure. Soit le contrat ne prévoit rien, ou bien encore aucun écrit n’encadre les relations de telle sorte qu’il convient alors de faire application du droit commun des contrats et donc du code civil.
L’article 1231-1 du Code civil dispose que « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».
Ainsi, seule la force majeure peut libérer les parties de leurs obligations contractuelles.
Celle-ci est définie par l’article 1218 du même code : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
Aussi, pour être qualifié de force majeure, l’évènement doit être irrésistible et imprévisible. Imprévisible, cela implique que les parties ne pouvaient pas prévoir de manière raisonnable la survenance de l’événement au moment de conclusion du contrat. Irrésistible cela signifie que cet événement échappe au contrôle des parties.
En l’espèce, la pandémie que nous traversons n’est plus un évènement que l’on peut qualifier d’imprévisible puisque connu de tous. Reste à savoir à partir de quel moment précis, cette pandémie n’est plus un cas de force majeure ? Depuis fin janvier, date de sa propagation ? Depuis les mesures prises par le gouvernement français ce 16 mars 2020 ? Les Tribunaux auront moultes occasions de se pencher sur la question.
Dans tous les cas, il incombe à la partie qui fait face à un cas de force majeure de notifier cet événement au plus vite à son cocontractant en caractérisant de manière précise son impact concret sur l’exécution du contrat et ce avant la suspension de ses obligations.
2/ Quels sont les effets de la force majeure ?
Ici également il conviendra selon les cas de se reporter aux dispositions contractuelles prévues par les parties et à défaut de stipulations particulières au droit commun des contrats, et dans ce cas opérer un distinguo entre l’empêchement qui est temporaire de celui qui est définitif.
Si l’évènement empêche temporairement l’exécution de l’obligation : dans ce cas l’exécution de l’obligation sera simplement suspendue et celle-ci deviendra de nouveau exigible dès que la force majeure cessera de faire obstacle à l’exécution. Une exception est prévue dans les contrats lorsque la date d’exécution de la prestation est un élément essentiel du contrat pour le créancier lequel peut alors demander la résolution.
Si l’évènement empêche définitivement l’exécution de l’obligation : dans ce cas, le créancier pourra se prévaloir de la résolution de plein droit du contrat sans saisir le juge. Les parties sont alors libérées de leurs obligations.
Dans tous les cas, si la force majeure est retenue, le débiteur est libéré de ses obligations (partiellement ou totalement en fonction de la nature de l’empêchement) et le créancier ne peut pas demander de dommages-intérêts pour inexécution du contrat.
3/ Et l’imprévision ?
La question qui se pose est celle de savoir si l’on peut envisager de demander une renégociation du contrat en raison des changements temporaires de circonstances.
L’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats a introduit un nouvel article 1195 au sein de notre code civil instaurant une procédure permettant à un cocontractant de solliciter la renégociation d’un contrat lorsqu’au cours de l’exécution du contrat survient un changement de circonstances imprévisible lors de sa conclusion rendant son exécution excessivement onéreuse.
Cette disposition n’est pas d’ordre public ce qui signifie qu’elle peut être écartée contractuellement. D’ailleurs, depuis la réforme, la majorité des contrats écartent expressément l’imprévision. Si l’imprévision n’est pas expressément écartée par les parties ces dernières pourront alors s’en prévaloir sous réserve de remplir les conditions suivantes :
- que le changement subit par le demandeur à la renégociation soit imprévisible au jour de la conclusion du contrat,
- que l’exécution de ses obligations soit devenue excessivement onéreuse,
- que la partie lésée n’ait pas accepté d’assumer les risques d’un changement de circonstances,
- Que cette partie poursuivre l’exécution de ses obligations.
Dans ce cas, soit les parties se mettent d’accord sur la renégociation, et le contrat se poursuivra alors selon les nouvelles conditions fixées.
Soit les parties ne sont pas d’accord, auquel cas elles conviendront alors soit de la résolution du contrat d’un commun accord, soit d’une demande d’adaptation du contrat par le juge. En cas de saisine du juge, celui-ci pourra réviser le contrat, ou y mettre fin en prononçant sa résolution.
Pour des questions supplémentaires vous pouvez contacter Maître Céline TAIEB (celine.taieb@253000xa.com)
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